En cette fin d’année scolaire, de nombreux collègues m’ont contacté pour se lancer dans l’utilisation de Twitter avec leurs élèves à la rentrée prochaine. Voici quelques renseignements ou réflexions (sans prétention) qui peuvent être utiles pour débuter.

 

Pourquoi utiliser Twitter ?

Voilà LA question à se poser avant de se lancer dans l’aventure, afin de définir ses objectifs. Méfiance, dans l’utilisation des réseaux sociaux, l’envie ne manque pas de faire passer une utilisation ludique et visible avant les apprentissages.

Il est aussi nécessaire de jauger la plus-value de l’outil par rapport aux autres moyens d’accéder à ces objectifs. Dans les utilisations que j’ai observées, l’atout de Twitter était généralement son côté plaisant pour les enfants (réactivité, utilisation d’ordinateurs ou de smartphones, petit monde ludique avec ses avatars et ses courts messages…), et son usage pour lire et écrire en classe de CP m’a paru tout-à-fait adapté par rapport à des moyens plus traditionnels.
Il me paraît également important de penser à l’évaluation des apprentissages réussis grâce à l’outil. Et croyez-moi, ce n’est pas facile…

Je vous conseille dès maintenant de prendre une feuille de papier, et de jeter les idées telles qu’elles viennent. Ainsi une collègue de Maternelle pensera-t-elle au langage, un collègue de cycle 2 à l’écriture et à l’usage de la langue, un collègue de cycle 3 aux possibilités en sciences ou en mathématiques ? Tout est possible !

Vous pourrez très facilement ajouter à ces objectifs didactiques les apprentissages propres au B2i (PDF), concernant l’utilisation du matériel et l’éducation aux médias.

 

Dois-je être un pro de Twitter pour l’utiliser en classe ?

Pas nécessairement, mais il peut être intéressant d’utiliser l’outil de façon personnelle avant de se lancer. Vous pourrez ainsi maîtriser les fonctions du réseau pour mieux les faire découvrir à vos élèves. C’est aussi l’occasion de vous construire un premier réseau éducatif pour exposer vos questionnements ou promouvoir votre projet.
Le fonctionnement de Twitter n’est pas difficile à comprendre, et avec l’aide d’une personne ressource, vous pourrez vite devenir expert dans le domaine !

 

Quels moyens, quel matériel ?

Je l’ai déjà écrit, le matériel n’est pas un préalable au projet, mais il le facilite grandement !

Il est déjà arrivé à mes élèves de tweeter avec mon smartphone personnel sur ma connexion propre. Je vous l’avoue, ça n’est pas le plus pratique, mais ça peut lancer un usage, ou l’entretenir en cas de déplacement ou de panne dans l’établissement.

A la base, une connexion internet dans la classe me semble nécessaire. On pourrait certes imaginer un projet dans une salle informatique, mais cela enlève toute la dimension « immédiate » de Twitter. Cette spontanéité me paraît être une dimension essentielle dans la motivation apportée par l’outil.

Je conseille, au moins en début de projet, de n’avoir qu’un seul ordinateur connecté à Twitter. Cela permet à l’enseignant de contrôler à la fois ce qui entre (on n’est jamais à l’abri d’un message indésirable), et bien-sûr ce qui sort. Gardons en tête que ce qui est publié sur Twitter est public, même si le compte est protégé, et que nous avons dans ces conditions un devoir de cohérence avec les normes sociales (politesse, respect, orthographe…).

Enfin, en terme logiciel, il peut être intéressant de passer par un logiciel spécialisé, plutôt que par le site web de Twitter. J’utilise pour ma part Tweetdeck (version logicielle, ou extension Chrome) qui permet de voir d’un seul coup d’oeil la timeline, les mentions (réponses et retweets) et les messages privés.


Comment présenter Twitter aux enfants ?

A vous d’être inventif pour le lancement du projet. De mon côté, j’ai présenté Twitter comme un outil (parmi d’autres) pour les petits journalistes de ma classe (je l’explique par ici). Ma collègue de Maternelle a présenté Twitter comme un moyen de diffuser aux parents ce qui se passait dans la classe, ça peut aussi être un bon départ. Vous pouvez aussi simplement présenter l’outil pour ce qu’il est : un moyen de communiquer avec d’autres classes, avec les familles ou avec l’extérieur.

Pour cette première phase, je conseille une utilisation collective de Twitter. J’ai passé beaucoup de temps en début de projet autour d’un écran ou du tableau numérique pour lire les messages, pour les envoyer. Cela est nécessaire non seulement pour comprendre et apprendre le fonctionnement de l’outil et le jargon associé (tweet, abonné, retweet, mention…), mais aussi pour donner des habitudes de lecture raisonnée des messages.

Je m’explique : en CP, la première activité de lecture d’un tweet correspond à du déchiffrage, associée à la mise de sens. Or, l’intérêt du média n’est pas le message en lui-même, mais les discussions ou les découvertes qui vont en découler. Il est nécessaire, je pense, de passer du temps en début d’année pour lancer cette habitude de raisonnement et de commentaires sur les messages reçus, ainsi que sur les messages envoyés. On insistera notamment sur l’aspect « vie privée », très présent dans l’utilisation d’un réseau social.

En parallèle, et sans attendre, il faut faire écrire les élèves, leur donner l’habitude de diffuser du contenu. C’est le seul moyen pour leur faire prendre conscience qu’il y a des lecteurs derrière l’écran (les premières réactions, réponses ou retweets, ne tarderont pas).


Est-ce l’enseignant ou les enfants qui écrivent ?

On croit souvent, à la lecture de la Timeline de la classe, que c’est l’enseignant qui tape les paroles des enfants. Cela peut être le cas pour les classes maternelles (dictée à l’adulte pour un travail sur le langage), mais il me semble important dès le CP de rendre acteur l’élève.

Les tweets qui apparaissent sur la timeline sont donc rédigés, corrigés et tapés par les élèves dans la plupart des cas. Il m’est cependant arrivé quelques fois de taper pour l’enfant : ce fut le cas lors de discussions spontanées sur un thème qui ne laissait pas de temps à la rédaction (en début d’année de CP, la rédaction d’un message de moins de 140 caractères prend au moins une demi-heure).
Dans ces cas-là, je sais bien que je ne poursuis plus mon objectif d’écriture et de lecture, mais que j’alimente juste le moulin à communication (ce qui n’est pas forcément inutile).

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Quelles sont les étapes de fabrication d’un tweet ?

Pour ma part, et systématiquement, un tweet est d’abord rédigé à l’écrit (sur brouillon ou sur un cahier d’écrivain). L’enfant me montre sa production ; si celle-ci est phonétiquement valide, je corrige l’orthographe afin que le tweet puisse être tapé.

Afin d’éviter les erreurs de manipulation, les tweets sont tapés sur un Google Doc (chaque enfant a un compte, accessible depuis n’importe quel ordinateur), puis copiés-collés après vérification sur Twitter. Cela permet aussi de garder une trace du travail réalisé par chaque enfant au fil des mois.

En début d’année, étant donné la « charge » que représente ce travail pour un élève de CP, je mets systématiquement les enfants en binôme : 2 qui écrivent de façon manuscrite leur tweet, 2 qui tapent sur l’ordinateur. A partir du mois de janvier, j’ai commencé à privilégier une rédaction en solitaire afin de pouvoir travailler sur les besoins de chacun.

 

Sur quel thème peut-on tweeter ?

J’aurais envie de dire : « tous » !
Là aussi, il s’agit pour l’enseignant et pour la classe de faire des choix.
Certains enseignants fixent des limites (« on parle uniquement de ce qui se passe dans la classe »), d’autres les fixent au fur et à mesure (ce fut mon cas). Ainsi, il est possible de parler du vécu collectif de la classe, du vécu personnel (activités extra scolaires, vacances…), de l’actualité, des passions (musique, vidéo…), des jeux (devinettes, calculs…), ou de contenus plus didactiques (énigmes mathématiques, créations poétiques…).

La seule limite qui doit être, me semble-t-il, enseignée, est celle imposée par le côté public de l’outil ; gardons en tête que les écrits restent et sont visibles par tous : cela impose le respect des personnes (élèves, familles, abonnés) et bien-sûr le respect de leur vie privée. Des questions essentielles se posent chaque jour : « ai-je envie de dire ça ? », « puis-je dire ça ? », « quelqu’un n’a-t-il pas envie que je dise ça ? ».

 

Les élèves tweetent-ils tous en même temps ?

Non ! Ou alors très rarement.
Une fois par semaine, j’ai eu la chance d’avoir 6 ordinateurs portables en prêt dans la classe. Dans ce cas, j’organise des ateliers d’écriture, dont certains sont destinés à Twitter (généralement une moitié de la classe).

Généralement cependant, l’écriture sur Twitter se fait en parallèle à la vie de la classe. Il n’y a pas de « quart d’heure Twitter », cela vient selon les besoins (contenu à diffuser, réponses à produire…).

Ainsi, peu importe mon emploi du temps, mes écrivains se rendent dans un coin de la classe pour rédiger leur tweet, pendant que les autres élèves vaquent aux occupations prévues. J’estime en effet, au moins pour le CP, que l’activité d’écriture est prioritaire sur toutes les autres… Et si un exercice de fichier ou un coloriage mathématiques n’est pas fait pour cause de tweet, ce n’est pas bien grave !

Cette écriture « à la carte » est d’ailleurs beaucoup plus pratique car cela évite les « bouchons » d’élèves qui attendent que je corrige leur tweet.

 

Comment faire pour que chacun écrive ?

En général, tous les élèves ont envie de tweeter, et donc d’écrire (ce fut le cas pour mes 24 élèves). Mais tous n’en ont pas les capacités, notamment en début d’année. Il faut donc apporter des outils qui permettent à tous d’accéder à la rédaction d’un tweet pendant la semaine :

  • mise en place de binômes pour favoriser l’entraide entre pairs ;
  • rédaction de tweets plus faciles ou redondants (la date du jour, la fête à souhaiter, la météo…)
  • mise à disposition de lexiques ou de dictionnaires de graphies ;
  • liste de choses à tweeter…

Cependant, malgré ces outils, ce sont généralement les meilleurs lecteurs qui ont tendance à monopoliser la timeline. Des solutions que j’ai testées : mise en place d’un « manager » qui décide qui écrit le tweet (et qui coche sur une liste de classe), jeux d’écriture qui permettent à chacun d’intervenir (avec aussi liste de classe à cocher quand le tweet est envoyé)…
Cela n’empêche pas les bons lecteurs ou les élèves très éveillés d’écrire plus que les autres, mais après tout, ça ne peut pas leur faire de mal ! Le tout, pour l’enseignant, est de veiller à ce que les plus faibles participent aussi, et progressent sur les objectifs poursuivis.

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Quand écrire la charte d’utilisation de Twitter ?

C’est une bonne question. Ce qui est certain, c’est que cette charte est nécessaire pour fixer le cadre d’un outil qui peut nous emmener n’importe où. Pour ma part, j’ai d’abord vécu 2 mois d’utilisation avec des règles « dites », et ce fut la création par certains enfants de comptes personnels à la maison qui m’ont vraiment donné le besoin de mettre par écrit ces règles.
Etant donné qu’il est plus logique de les faire écrire par les enfants, je pense qu’il ne faut pas s’y précipiter. On peut toutefois, en tant qu’enseignant, établir quelques principes dès le départ du projet, comme celui qui impose la présence d’un adulte pour aller sur Twitter, ou les aspects de sécurité par rapport à la vie privée (nom de famille, adresse, droit à l’image…).


Comment étoffer son réseau ?

Avec un compte commun pour la classe, il est primordial d’avoir des lecteurs, qui peuvent réagir, questionner, relancer la motivation (c’est la raison pour laquelle faire le choix de créer un compte par enfant pour une utilisation en classe me semble inappropriée).
Les premières personnes que je vous conseille d’ajouter sont les autres classes qui tweetent déjà ; vous en trouverez sur le lien des Twittclasses, et elles feront certainement connaître votre classe auprès de leur propre réseau (un petit tweet de présentation, et c’est parti !).

La deuxième solution est de tweeter du contenu original. Je me souviens des mots d’enfants retweetés de nombreuses fois lorsque je leur avais demandé d’écrire des réponses à la question « qu’est-ce que c’est d’être amoureux ? » lors de la Saint Valentin…
Le fait de tweeter régulièrement aide également à faire grandir le nombre des abonnés.

Enfin, il faut aussi faire jouer son réseau « adulte » sur Twitter. De nombreux enseignants, éducateurs ou sympathisants de ces démarches sont prêts à jouer le jeu de la communication avec votre classe ; à partir du moment où il y a du contenu, il y aura de la réactivité.

 

Choisir un compte ouvert ou un compte fermé ?

Pour ma classe, j’ai fait le choix du compte ouvert. Cela permet vraiment d’avoir une interactivité avec beaucoup de monde (pas seulement les abonnés), et de laisser un accès public aux productions. C’est du travail en moins dans le filtrage des abonnés, mais cela signifie que tout le monde peut vous lire, vous mentionner (donc du travail potentiel en terme de filtrage d’indésirés).

Si vous avez juste envie de commencer par une correspondance avec d’autres classes, gardez le compte fermé, cela vous évitera quelques désagréments (les robots spammeurs, les « private jokes » que les enfants ne comprennent pas, …).

Dans les 2 cas, ayez toujours une présence éducative aux côtés des enfants lorsqu’ils sont devant un écran connecté.

 

Faut-il s’abonner à ceux qui nous écrivent ?

Si vous ne voulez pas que votre Timeline déborde et soit « hors sujet », non !
J’ai pris pour règle d’abonner le compte de la classe seulement à d’autres classes ou à des enfants, afin d’être sûr que le contenu de la Timeline soit adapté à mes élèves. A signaler que la communication avec d’autres enfants isolés n’est pas évidente, car décalée au niveau du temps, et donc peu réactive (l’enfant tweete après l’école, pas la classe…). Cependant, ce n’est pas impossible !

Certains adultes apparaissent fréquemment dans les mentions, et deviennent familiers de la classe. Il peut être utile d’expliquer aux enfants pourquoi on ne s’abonne pas à ces comptes.

 

Faut-il que tout soit parfait ?

Non ! 🙂 On a la chance d’être en phase d’expérimentation. Et des imperfections, il y a en a eu, et il y en aura certainement si vous vous lancez dans l’expérience, rassurez-vous : des tweets qui ne partent jamais (coincés dans un cahier ou dans un GoogleDoc faute de temps), des réponses non envoyées, des messages non lus, ou des fautes de frappes oubliées,

Voilà, j’espère que ces quelques lignes aideront ceux qui veulent se lancer. Si vous avez des questions précises qui ne sont pas abordées ci-dessus, n’hésitez pas à les laisser en commentaire, j’y répondrai et les ajouterai à l’article.

En 2011-2012, n’hésitez pas à nous rejoindre avec vos élèves pour que nous soyons encore plus nombreux à utiliser Twitter en classe !

Liens :

le compte de mes CP
notre charte Twitter
d’autres classes primaires sur Twitter

3 commentaires “Débuter sur Twitter en école Primaire”

  1. Bonjour,
    Je me lance dans twitter avec mes élèves de CP. Cet article est très intéressant. Merci
    Je voulais accéder à la page qui explique la présentation aux élèves mais le lien ne fonctionne plus. C’est vraiment ma principale question pour le moment. comment vais-je leur présenter twitter?
    Merci pour vos conseils.
    cathy

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