La question du filtrage vient de m’être posée par l’un de mes abonnés concernant les mentions faites sur le compte de ma classe. Voici quelques pistes, qui sont miennes, pour y répondre.

 

Un environnement aseptisé ?

Il est possible de rendre l’environnement de l’utilisation de Twitter pratiquement pur et sans danger : l’enseignant peut ainsi faire le choix de rendre le compte de sa classe privé, filtrant ainsi les demandes d’abonnements, et réduisant le nombre de mentions non sollicitées.

Ce n’est pas l’option que j’ai choisie. D’abord par circonstance, étant en phase d’expérimentation, il me semblait important de rendre accessible tout ce qui s’y écrit. Mais c’est surtout par souci d’éducation que j’ai choisi de laisser ouvert le compte, y compris avec une médiatisation ayant apporté des centaines d’abonnés.
En effet, à trop aseptiser l’environnement des enfants, on en arrive à éduquer « pour du faux » : je pense à ces cours de « junicode » que je recevais petit pour apprendre la sécurité routière, bien loin des vrais dangers, dans une cour d’école… ou encore à ces corps d’enfants qui n’apprennent plus à s’immuniser parce que leur environnement est beaucoup trop propre (« trop propre donc allergique« ).

Éduquer, me semble-t-il, c’est mettre l’apprentissage dans un contexte qui pousse au questionnement. Voilà pourquoi, avec 1270 abonnés au compte de la classe aujourd’hui, je suis très intéressé d’avoir potentiellement quelques mentions indésirables.

 

Le pédagogiquement indésirable, mais nécessaire

La majorité des réponses de nos abonnés n’ont pas forcément un intérêt en terme d’apprentissage.

  • « Chez nous aussi, il fait beau ! ».
  • « Bonjour les enfants, bonne journée. »
  • « Trop mignon ce tweet ! RT @Classe_Masson Blablabla ».

Ces messages contribuent pourtant grandement à la motivation du projet, car les enfants voient que leur acte d’écriture est immédiatement reconnu et compris. C’est en quelques sortes leurévaluation 2.0 : au lieu du 10/10 au stylo rouge, ils reçoivent quelques réponses encourageantes, ou quelques retweets.

 

L’indésirable inadapté

Dans l’ensemble, sur les dizaines de mentions reçues par jour, les personnes jouent le jeu et savent qu’elles s’adressent à des enfants. J’ai cependant la chance, en CP, de lire plus vite que mes élèves. Si vraiment un message est trop éloigné d’un potentiel éducatif, je suis maître à bord pour prendre la décision adaptée.

Les mentions peuvent contenir des mots inappropriés, grossièretés ou vulgarité (j’avais raconté par ici la réaction d’un de mes élèves face à un gros mot),  termes trop complexes pour les enfants, participation involontaire du compte de la classe dans des débats d’adultes (par le jeu du « mentionner tous »), ou vraiment messages trop crus (ce n’est jamais arrivé, que par l’intermédiaire d’un hashtag, comme illustré ci-dessous).

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Dans ces cas extrêmes, c’est bien-sûr un blocage de l’abonné qui est la solution (encore une fois, dans l’exemple illustré ci-dessus, ce n’était pas une mention faite à la classe, mais l’appropriation d’un hashtag lancé par notre projet d’écriture du moment ; les élèves n’ont donc pas vu ce tweet). Un abonné bloqué ne peut plus lire nos messages, et ses mentions ne nous parviennent plus.

L’humour particulier de certains twittos est parfois difficile à comprendre pour les enfants, qui lisent tout au premier degré. Dans ces cas-là, j’évite la lecture collective de la mention en question, soit en justifiant simplement par un laconique « ce n’est pas intéressant », soit en rusant par un « on n’a pas le temps »… Dans les cas vraiment « lourds », je bloque sans en avertir forcément les enfants.

Enfin, il y a les blocages systématiques, que les élèves maîtrisent : dans le cas de la réception d’un message avec seulement un lien, ou des mots qui ne sont pas en français, il y a méfiance et habitude de demander au maître si l’on doit, ou non, bloquer la personne. Cela arrive environ une fois par semaine, plus ou moins selon les périodes. J’ai expliqué aux enfants en début d’année que ces liens pouvaient être de la pub, des virus pouvant « casser l’ordinateur », ou des liens vers des pages qui n’étaient pas pour eux (sans entrer dans les détails).

L’habitude de méfiance est tellement ancrée dans la classe (trop peut-être) que dès qu’un abonné nous répond avec un « oeuf »(l’avatar par défaut sur Twitter, souvent utilisé par les robots spammeurs), les élèves veulent bloquer sans prendre le temps de vérifier le contenu du message, surtout si un lien accompagne la mention ! Encore une fois, je suis derrière eux, grâce au fil Twitter pratiquement toujours affiché sur le TNI de la classe, pour valider ou invalider leurs hypothèses.

Après tout, écrire et lire sur Twitter n’est donc pas très différent d’une sortie scolaire IRL dans un lieu public : on y rencontre des gens bienveillants, mais aussi d’autres qui n’ont pas un langage adapté, certains encore qui ont des comportements étranges. L’enseignant s’éloigne des personnes malveillantes et privilégie les relations pédagogiquement instructives.

 

Le désirable

Heureusement, la majorité des mentions sont pertinentes, et contribuent, comme je le disais plus haut, à la motivation des élèves pour écrire. La plupart des messages sont des prétextes pour apprendre : étudier une carte du Monde (ce n’est pas au programme du CP, certes, mais on aime prendre un peu d’avance quand on est curieux…), expliquer du vocabulaire qui peut resservir, ou étudier de plus près quelques règles de la langue française.

Enfin, je précise que notre Timeline (les comptes auxquels nous nous abonnons) n’est composée que d’enfants ou de classes (une centaine actuellement). De ce côté-là, les messages sont de plus en plus riches et inventifs. Normalement, nous n’y avons pas de mauvaises surprises, mais que des prétextes pour écrire, lire et apprendre !

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