« Vintage » : d’époque.

A l’heure où l’on parle de refondation de l’école, et où l’on nous propose des solutions très normées, à ces moments où justement il faudrait laisser la place à la créativité des établissements et des équipes enseignantes, je me pose beaucoup de questions sur le sens de nos pratiques en classe : mise des enfants dans des cases(obligation à rester dans sa classe d’âge, évaluations à tout-va, stigmatisation de l’erreur souvent qualifiée d’échec), ultra-importance donnée au contenu d’apprentissage (à l’époque où tout ce contenu est accessible du bout du doigt), corporatisme d’une profession à l’heure de la polyvalence d’une société (mais pourquoi l’école reste-t-elle donc si fermée sur elle-même ?)

Et si enseigner n’était plus la spécialité de l’école ?

L’école, c’est fini ?

L’école à la mode ancienne, telle que nous l’avons connue, est-elle dépassée ?  M. Benchoufi répond par l’affirmative dans cet article passionnant à (re)lire par ici. Ces propos alimentent ma réflexion et notamment mes questionnements sur le « programme officiel » de l’éducation nationale.

Si l’école doit apprendre, alors oui, il faut un programme, un contenu, éventuellement une méthodologie imposée.

Si l’école doit apprendre à apprendre, alors le contenu ne peut être figé. Pourquoi des enfants de CP devraient-ils plus s’intéresser aux caractéristiques du vivant plutôt qu’à la formation des trous noirs ? Pourquoi devrait-on privilégier l’histoire de France alors que celle de la région est tout aussi passionnante et instructive ?

A l’heure du numérique et de l’internationalisation des sources, il me semble important de s’affranchir d’un contenu imposé par des textes écrits par une nation, constat que j’évoquais déjà dans un précédent questionnement (voir éducation nationale ou éducation locale ?).

Puis tiens, si on parle de « programme officiel », c’est qu’on peut avoir un « programme officieux ». Quand se met-on à son écriture et à sa réécriture quotidienne ?

 

Les deux priorités

Dans une perspective d’école qui prend vraiment en compte le bouleversement qu’apportent les outils numériques sur l’apprentissage, 2 aspects me semblent à privilégier en matière d’éducation :

  • apprendre à utiliser les outils numériques pour apprendre : élaboration de communautés apprenantes, entretien de réseaux humains numériques, comparaison et fiabilité des sources, éveil constant de la curiosité, travail sur les notions d’identité et de diversité…
  • apprendre à manier un langage qui rassemble : il est essentiel de parler l’anglais couramment dès le plus jeune âge, ou d’autres langages, notamment celui de l’image pour lequel une éducation est nécessaire (pictogrammes, infographies, vidéos, …).

 

Et mes élèves de 5-6 ans dans tout ça ?

La classe de CP est déjà un enjeu majeur dans ces perspectives à travers l’acquisition de la clé « lecture ». Sur ce plan, rien à changer, le programme de l’éducation nationale me convient, même si j’ai choisi de l’aborder par l’action, notamment par l’écriture : j’apprends à lire parce que j’ai l’envie et le besoin d’écrire, c’est une bonne alternative à la démotivation.

Par contre, 2 bouleversements sont à opérer :

  • Faire de l’anglais une activité quotidienne incluse dans la vie de la classe.

Consignes en anglais, visionnage de vidéos en anglais, chansons en anglais… Je ne suis absolument pas dans la défense d’une langue en terme de culture par rapport à d’autres (c’est vrai, pourquoi pas le chinois ?), mais juste dans l’usage d’une langue véhiculaire ; je me moque bien de Big Ben et de l’accent d’Oxford (dans le cadre d’une première communication), le but est simplement de donner à mes élèves des moyens d’apprendre où qu’ils soient virtuellement ou réellement.

  • Me détacher complètement du contenu des programmes.

Je ne parle de « désobéir » et de refuser d’appliquer un programme qu’en bon fonctionnaire je me dois de respecter, mais de mettre l’accent sur les compétences et non sur le contenu. J’aimerais ainsi privilégier au maximum un apprentissage naturel, partant des curiosités des enfants sur le monde qui les entoure, qui les façonne, qui leur apporte des rêves…

Je ne nie pas qu’un contenu est nécessaire pour travailler des savoir-faire, mais qu’on nous laisse la liberté du choix de ces contenus, et qu’on implique les équipes enseignantes, les familles et les élèves dans ces choix.

Des doux rêves et des voeux pieux ? Peut-être. Ou pas.

2 commentaires “Stop the vintage school”

  1. Les enseignants prisonniers d’un système injuste et déshumanisé… Quand l’éducation nationale aura brisé le verrou des règles et des programmes « officiels » ils seront libres de communiquer leur savoir avec passion et « amour »… oh, là ,j’ai peut être prononcé le mot tabou !!!
    Quand on fait de l’accompagnement individuel, on se rend vite compte à quel point le décalage entre leur vie scolaire et personnelle est énorme !!! Même le soutien constant des parents ne peut combler ce fossé qui les séparent de vous et de nous… Le succès scolaire d’un enfant dépend de son épanouissement personnel, au sein de sa famille et de ses relations. Le problème des rythmes, c’est l’arbre qui cache la forêt.

  2. Quelques idées jetées à la suite de cette lecture.
    Apprendre à apprendre est une utopie pour la majorité des élèves ; dans la vie réelle, une grande partie de ceux-ci n’en ont pas les moyens car ils vivent des situations personnelles compliquées, parfois (de plus en plus souvent ?) tragiques. Il est donc important qu’ils apprennent d’abord afin de pouvoir, ensuite, faire leur propre chemin. Le temps passe vite et il y a un âge pour apprendre à lire.
    La « liberté pédagogique » de l’enseignant est aussi une chimère ; il est, à l’époque du « village mondial » que nous vivons, nécessaire non seulement d’avoir des programmes officiels mais encore nationaux. Il est important de cultiver une identité nationale.
    Il me semble grand temps que les enseignants arrêtent de rêver ; leur métier est bien plus simple que ce qu’ils voudraient faire croire à tous : apprendre à lire, écrire, compter… dès lors qu’un être humain a ces clefs-là, il est capable, seul, de faire ses propres choix. Or, bien souvent, les enfants sortent de l’école sans maîtriser correctement la lecture.
    Un seul thermomètre : en fin d’année de CP, tous mes élèves ont-ils appris correctement à lire ? Le reste n’est que vaste fumisterie.

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