Tout cela part d’une histoire comique qu’on me racontait en fac d’Histoire pour illustrer l’art oratoire des Jésuites :

Deux moines grands fumeurs, un Bénédictin et un Jésuite, se demandent si on peut prier et fumer en même temps. Dans, le doute, ils décident de poser la question à l’Évêque. Plus tard, ils se rencontrent et le Bénédictin affirme avoir reçu une réponse négative.
– Ah bon, dit le Jésuite, moi, j’ai reçu une réponse affirmative.Quelle question as-tu posé ?
Le Bénédictin répond :
– J’ai simplement demandé si je pouvais fumer lorsque je priais.
– Je comprends, dit le Jésuite. Moi, j’ai demandé si je pouvais prier lorsque je fumais, et l’Évêque m’a répondu « On peut toujours prier, mon fils ».

L’apprentissage est-il la priorité ?

On retrouve quasiment le même débat concernant l’utilisation des réseaux sociaux et du matériel numérique portable dans les établissements scolaires.

Les règles d’utilisation de ces réseaux (CGU) interdisent généralement l’utilisation avant 13 ans (c’est le cas pour Twitter ou Facebook). Les règlements intérieurs (et même la loi) interdisent l’utilisation de smartphones dans les enceintes scolaires pendant les cours. Pourtant, nous voyons se développer des utilisations pédagogiques de ces systèmes chez de nombreux enseignants. Seraient-ils désobéisseurs, inconscients, ou simplement d’inspiration jésuite ?

Je pense qu’au delà du respect de la règle, il s’agit d’une question depriorité.

Pour le moine, la priorité est la prière, d’où l’interdiction de tout ce qui pourrait l’en distraire. Et pourtant, s’il est au repos, en train de fumer sa cigarette, et qu’il entre en prière, son entourage ne pourra qu’admirer sa ferveur !
Au sein de nos écoles, la priorité est l’apprentissage : il est normal de cadrer et d’interdire ce qui peut lui nuire. Et pourtant, si ces outils interdits permettaient de motiver et de renouveler les moyens d’apprendre, les enseignants ne devraient-ils pas dépasser les interdictions pour faire preuve de bon sens et d’innovation ?

Le problème est que pour les élèves, la priorité n’est pas forcément l’apprentissage. S’il s’agit d’utiliser un téléphone pour jouer ou commenter les dernières photos de leurs amis sur Facebook, on peut se poser la question de la pertinence du réseau dès l’école primaire. Mais dès qu’il s’agit d’écrire ou de construire sa pensée, n’est-on pas dans la bonne priorité ?

 

Une éducation d’usage nécessaire

Il est donc temps, pour les enseignants, de dépasser intelligemment des interdits qui, au mieux sont respectés, au pire confirment le statut « gadget » des réseaux et des smartphones. Nos élèves ont entre les mains des outils formidables qui leur permettent de se connecter instantanément à la connaissance, aux experts, au partage et à la créativité, et nous voudrions les en priver ?

Comme ce fut le cas pour la télévision ou pour la calculatrice, il me semble nécessaire d’apprivoiser ces outils numériques, afin que nos enfants et ados s’en accaparent y compris pour apprendre.

 

Prenons du recul

Au-delà de l’outil, c’est aussi le rapport à l’apprentissage qu’il faut revoir. L’école est-elle encore vraiment là pour instruire, alors quetout en dehors de l’école nous permet d’atteindre le savoir ? Dans ces conditions, les enseignants n’ont-ils pas à endosser un vrai rôle d’éducateur, y compris dans les usages numériques ?
Ce sont des questions que je me pose, mais auxquelles je ne peux pas trouver de réponse figée. La connaissance n’est plus la propriété de l’enseignant, c’est certain, mais sans contenu, on ne peut pas non plus maîtriser sérieusement des compétences…

Dans quelques années, j’espère toutefois qu’on racontera ce genre d’histoire :

Deux enseignants, utilisateurs de Twitter, se demandent si on peut faire classe et tweeter en même temps. Dans, le doute, ils décident de poser la question au Ministre. Plus tard, ils se rencontrent et le premier affirme avoir reçu une réponse négative.
– Ah bon, dit le second, moi, j’ai reçu une réponse affirmative.Quelle question as-tu posé ?
Le premier répond :
– J’ai simplement demandé si je pouvais tweeter pendant que je faisais classe.
– Je comprends, dit le second. Moi, j’ai demandé si je pouvais mettre mes élèves en apprentissage en tweetant, et le Ministre m’a répondu « Toutes les occasions sont bonnes pour apprendre, mon fils ».

 

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